15 décembre 2025
Temps de lecture : 6 min
Par Jérôme Hiquet, CEO de StratNXT (groupe Cosmo 5).
En 2026, les marques ne seront plus seulement jugées sur ce qu’elles montrent, mais sur ce qu’elles permettent aux machines de comprendre, d’exécuter et de recommander.
L’économie devient agentique et la valeur devient visible ou invisible selon la data, les contenus et la confiance construite.
Les marques gagnantes ne seront donc ni les plus technologiques, ni les plus bruyantes : ce seront celles qui sauront orchestrer l’IA, les plateformes et l’humain dans un même mouvement — fluide, cohérent, utile.
C’est à partir de ce nouveau paysage, où l’IA entre dans une phase d’action et non plus seulement d’inspiration, que se dessinent les tendances majeures de 2026.
Les agents autonomes ne sont plus expérimentaux : ils vont de plus en plus prendre des décisions, comparer des options et acheter pour l’utilisateur. En 2026, ils deviennent une nouvelle couche d’exécution pour les marques. Google, OpenAI et Visa posent déjà les standards (AP2, ACP, TAP) pour sécuriser ces transactions. Des acteurs comme Amazon créent des agents ultra-performants comme Rufus, qui capte l’intention, recommande et améliore la conversion (+60 % de probabilité d’achat). Côté B2B, des outils comme Lovable montrent la même bascule : création de sites ou prototypes en quelques minutes, accélérant la créativité et le go-to-market. En 2026, les marques gagnantes seront celles qui sauront activer ces agents et faire de l’élimination de la friction un levier central d’expérience et de performance.
Le checkout n’est plus une page : c’est une conversation. Les agents interprètent une intention, sélectionnent des produits et finalisent l’achat. OpenAI, Google et Amazon créent désormais des agents capables d’agir – acheter, réserver, payer – avec des initiatives comme ChatGPT Instant Checkout ou Buy for Me qui couvrent toute la chaîne de valeur. En parallèle, des acteurs comme Walmart ou Target prouvent que l’achat piloté par IA devient progressivement « mainstream ». Les prérequis techniques explosent également : API-first, sécurité, normalisation des flux, temps de réponse instantané. Et les usages suivent : une étude UK révèle un “trust threshold” autour de £200 pour déléguer des achats courants. Le message est clair : le funnel disparaît, l’intention devient l’achat ; le commerce agentique n’est pas une évolution du e-commerce, mais une nouvelle couche économique – un marché à 136 Md$ en 2025 qui pourrait atteindre 1 700 Md$ d’ici 2030. Plus que les chiffres, c’est la vitesse d’appropriation qui compte.
Dans un écosystème dominé par les walled gardens et des moteurs IA qui captent une part croissante de la recherche digitale, seules les marques capables d’activer intelligemment leur first-party data resteront visibles et performantes. Le MMM redevient central pour mesurer la performance dans un monde de discoverabilité fragmentée, voire franchement « balkanisé ». Mais l’émergence des LLMs accélère un nouvel enjeu data : structurer sa donnée et garantir la crawlabilité de son contenu pour être compris, référencé et choisi par les agents. Bloquer ces accès n’est plus une stratégie pertinente ; la question n’est plus « be crawled or not be crawled » mais plutôt : comment collaborer avec ces acteurs pour capter ces nouvelles opportunités ? En 2026, les marques qui réussiront seront celles qui considéreront leur first-party data non comme un outil, mais comme une véritable infrastructure de compétitivité. Elles deviennent ainsi de véritables « media-retailers », pilotant leurs audiences comme un patrimoine à valoriser.
20,5 % des requêtes Google déclenchent désormais un résumé IA, signe d’un basculement vers une recherche conversationnelle où la réponse se substitue progressivement à la page de résultats. Entre 60 % et 75 % de recouvrement entre la première page Google et la visibilité dans ChatGPT selon les études récentes — mais avec 96 % de recouvrement d’audience — ce qui montre que les usages restent massifs, même si la médiation change.La bataille de la discoverabilité ne se joue plus uniquement sur le clic mais aussi sur la citation algorithmique, alors que des moteurs comme Atlas (OpenAI) cherchent à capter directement l’intention, le contexte et la navigation. Les gagnants de 2026 seront ceux qui auront des fondamentaux SEO forts (présence sur des mots-clés précis et signaux classiques de ranking) ET une stratégie GEO établie, avec des contenus résumables, structurés, multimodaux, crédibles et repris par les LLMs, dans un paysage où 2/3 des URL citées proviennent de sources organiques à haute crédibilité comme Wikipedia, YouTube ou Reddit. La discoverabilité devient un exercice en duo : d’un open web qui classe à des LLMs qui recommandent, où l’autorité, la pertinence et l’actualité priment sur la seule optimisation.
Le contenu n’est plus uniquement un levier marketing : c’est le carburant des modèles et le « X-Factor » entre l’inspiration et la conversion. Concrètement, YouTube capte une part croissante des citations des moteurs IA, Reddit bascule du statut de média à “fournisseur de cognition” pour LLMs, TikTok devient « Shop » et étend son influence jusqu’au commerce, et les créateurs de contenu deviennent des canaux de distribution. En 2026, les marques doivent passer du “content marketing” au content as infrastructure : produire des assets structurés, multimodaux, taggés et continuellement actualisés pour être compris, cités et recommandés par les agents IA. Et si la création s’accélère massivement, de la conception « AI-first » aux outils qui industrialisent la production (Firefly, VEO 3, TikTok Symphony, Meta Advantage+), cette abondance renforce aussi le rôle stratégique des équipes dans la préservation de la singularité de la marque. Ce n’est plus “publier pour convaincre”, mais “structurer, sélectionner et se différencier pour exister”.
Le commerce s’aligne sur le média et inversement : Amazon intègre Netflix et Spotify dans sa DSP, étendant le retail media vers un commerce media complet. En France, Amazon capte déjà 75 % du retail media digital, tandis que TikTok Shop et les parcours conversationnels (Instant Checkout sur ChatGPT) transforment chaque signal d’attention en intention achetable. En 2026, le terrain de jeu se déplace hors des sites marchands : la découverte, la recommandation et l’achat se déroulent dans les flux. Le défi pour les marques sera d’assumer ce risque de désintermédiation et cette exigence d’instantanéité où, entre le désir et l’achat, il n’y a plus qu’un clic… et bientôt, plus de clic du tout.
Les marketplaces dominent désormais l’équation gagnante prix–choix–convenience et accélèrent : elles représentent déjà plus de 40 % du eCommerce US, et 73 % de sa croissance, avec une projection à 53 % d’ici 2030. En Europe, des plateformes comme Zalando gagnent du terrain tandis que la plateformisation explose : 75 % des transactions eCommerce allemandes passent par des plateformes externes, 85 % en Asie du Sud-Est. Une nouvelle vague s’impose, des géants comme JD.com (Joybuy) aux marketplaces spécialisées aux US (Best Buy, Ulta Beauty, Lowe’s) qui étendent leur offre sans complexifier leur stock. Portées par l’IA sur toute la chaîne de valeur — personnalisation, logistique, recommandation — ces plateformes deviennent la porte d’entrée naturelle du shopping. En face, les marques DTC font face à un risque accru de désintermédiation : leur pouvoir se jouera plus que jamais sur la brand equity, le contenu, l’expérience et la rétention.
Quand les IA deviennent une nouvelle porte d’entrée de discoverabilité et de shopping, la marque risque d’être réduite à un simple « fournisseur de catalogue ». En 2026, la « brand equity » est plus que jamais un repère essentiel. Il faut réaffirmer son unicité humaine — émotion, créativité, expérience — ce que la machine ne sait pas encore imiter avec authenticité. Tout en acceptant que, dans un monde où il faut convaincre les consommateurs et leurs agents IA, la « brand equity » c’est aussi devenir une source d’autorité, capable d’influencer directement les recommandations des LLMs. Les marques qui réussiront seront celles dont la valeur perçue reste lisible, émotionnelle, différenciante… et algorithmique.
C’est l’un des mots les plus polysémiques… et l’un des plus stratégiques pour 2026. D’un point de vue sociétal, 76 % des Français estiment manquer de commerces proches et 94 % les considèrent comme des lieux de vie ; côté retail, de nombreux acteurs comme Leroy Merlin, Décathlon ou IKEA réduisent leurs formats pour se rapprocher des usages. Dans la logistique, Amazon, Alibaba et Walmart accélèrent la bataille du « last mile » ; dans la conversation, Reddit, UGC et avis clients deviennent les nouveaux espaces de préférence. Et cette quête dépasse le commerce : 68 % des Français font plus confiance à leur maire qu’à l’État, signe que la proximité physique, fonctionnelle et émotionnelle devient la condition d’une relation crédible. En 2026, la confiance se joue à portée de main…ou de conversation.
La défiance envers les marques explose : +95 % d’appels au boycott en 2025, 54 % des conversations sur la publicité exprimant de la colère, et un « deinfluencing » en hausse de 79 %. Les marques ne contrôlent plus la narration : moins de 1 % des conversations sur X sont initiées par elles. La recommandation devient horizontale, portée par les avis clients et les communautés semi-fermées comme Reddit (+90 % YoY en France). Même les LLMs privilégient ces contenus perçus comme authentiques. Les marques doivent activer leurs communautés comme un actif stratégique, à l’image de marques comme Kiabi ou Sephora, et d’évènements d’un nouveau genre comme GP Explorer ou formats hybrides de créateurs. Dans ce paysage, le contenu n’est plus seulement produit par la marque : il se co-construit. La confiance se gagne désormais dans l’interaction, la conversation est le nouvel influenceur.
Dans un web dominé par les LLMs, la first-party data, la GEO et le “content as infrastructure” deviennent essentiels pour être compris et recommandé par les machines. Les marketplaces et le commerce media s’imposent comme points d’entrée naturels du shopping, accentuant la désintermédiation. Dans ce paysage, la brand equity, la proximité et la conversationalité deviennent les nouveaux piliers de confiance et de différenciation.
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