Twitter est-il un bon investissement pour Elon Musk ?


  • Elon Musk, désormais premier actionnaire de Twitter, vient d'officialiser son intention de sortir le réseau social de bourse et d'en "déverrouiller le potentiel incroyable"
  • On vous explique à quelle condition ça peut marcher... et pourquoi ça peut foirer

On imagine que quand le PDG de Twitter, Parag Agrawal, a twitté le 11 avril dernier qu’Elon Musk ne rejoindrait finalement pas le conseil d’administration de la société et que “c’était pour le mieux”, il avait autre chose en tête. Elon Musk, qui est devenu début avril le premier actionnaire de Twitter (à hauteur de 9,1%), vient d’officialiser sa volonté de sortir le réseau social de bourse. Il propose, pour ce faire, de débourser 54,20 dollars par action. Une prime de 54% par rapport au cours de clôture de l’action le 28 janvier dernier, date à laquelle le milliardaire a commencé à acheter des actions Twitter, et un total de 39,4 milliards de dollars, qu'il veut débourser cash.

“Le conseil d'administration de Twitter va examiner avec attention l'offre pour déterminer la ligne de conduite qu'il estime servir au mieux les intérêts de l'entreprise et de tous les actionnaires de Twitter”, s’est contenté de répondre le groupe. L’occasion pour Minted de s’interroger sur l’intérêt qu’a Elon Musk à s’embarquer dans une telle aventure. 

Non, si c’est juste pour booster son ego… et son influence

Milliardaire fantasque, on imagine sans mal Elon Musk mettre la main sur Twitter dans le seul but de satisfaire son égo démesuré. Un moyen de capitaliser sur ce joujou dont il est devenu le 8e utilisateur le plus populaire dans le monde. Avec tout de même 81 millions de followers, c’est peu dire qu’il a appris à utiliser la plateforme à son avantage, qu’il s’agisse de promouvoir ses entreprises, ses acquisitions ou ses derniers investissements dans les “meme coins”.

Pas un mois ne se passe sans que le nom d’Elon Musk n'atterrisse en trending topic et que ses principaux bébés, Tesla et Starlink, n’en profitent. Regardez le budget pub de Tesla, il est de moins d’un dollar selon le site NewsThink. Quant au cours de bourse, il s’envole au gré des tweets d’Elon Musk. Son influence sur les cours boursiers est telle qu’elle lui a valu plusieurs enquêtes du gendarme financier américain, la Sec

En mettant la main sur Twitter (et sous réserve que la Sec n’y trouve rien à redire), Elon Musk s’assurerait de protéger sa vache à lait… Quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte. Elon Musk ne serait pas le premier milliardaire à s’acheter un peu (beaucoup) d’influence de la sorte. Jeff Bezos, son ennemi juré, l’a fait avant lui, avec le Washington Post. En France, des Xavier Niel, Vincent Bolloré et Bernard Arnault en ont fait un hobby. Reste que les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes.

40 milliards de dollars, ça fait cher pour s'assurer encore plus d'influence et racheter une entreprise qui peine à atteindre la rentabilité

Comptez 250 millions de dollars pour le Washington Post en 2013. C’est 200 fois plus pour Twitter et c’est 7 fois le chiffre d’affaires du réseau social en 2021. Un ratio “raisonnable” si on le met en perspective avec le fait que Snap est valorisé plus de 10 fois son chiffre d’affaires, Alphabet 5 fois et Pinterest 4 fois. Mais cela imposerait à Elon Musk, dont les deux-tiers du patrimoine proviennent de ses 177 millions d’actions Tesla (environ 180 milliards de dollars), de diminuer un peu plus ses parts dans l’entreprise automobile (qui sont actuellement à 17%). Un pari tout de même risqué pour une entreprise qui a généré 5 milliards de dollars de revenus en 2021 et qui peine à atteindre la rentabilité. Twitter a terminé son premier exercice dans le vert en 2019 (1,4 milliard de dollars de bénéfices) mais a enchaîné avec deux exercices déficitaires (-221 millions de dollars en 2021, -1,1 milliard de dollars en 2020).

Connu pour son ingérence à tout va, Elon Musk aurait du mal à mener de front Tesla, Starlink et Twitter. Il risquerait également d'être accusé de conflit d'intérêt à la moindre décision mal accueillie par la communauté 

Le challenge serait d’autant plus ardu qu’à la moindre décision contraire aux intérêts de la communauté Twitter (ou mal accueillie par cette dernière), Elon Musk serait tout de suite pointé du doigt. L’homme d’affaires, dont le nombre de followers représente quasiment un quart de l’audience mensuelle de Twitter, aurait du mal à ne pas verser dans le conflit d’intérêt. Plutôt connu pour son ingérence à tout va, on imagine mal Elon Musk rester sagement dans un coin, voire se contenter d’un siège au conseil d’administration de la société fraîchement sortie de bourse. Peut-il mener de concert Tesla, Starlink et Twitter ? La réponse est non et elle nous a déjà été apportée par le fondateur de Twitter, Jack Dorsey, par le passé. Confronté au succès de son autre pépite, Square (aujourd’hui baptisée Block), il a été contraint de confier les clés du camion Twitter, en novembre 2021, à celui en qui Elon Musk dit, aujourd’hui, ne pas avoir confiance :  Parag Agrawal.

Oui, si c’est pour faire entrer Twitter dans le Web 3

Elon Musk se demandait le 9 avril si Twitter n’était pas en train de mourir, parce que les comptes les plus populaires de la plateforme n’y sont plus vraiment actifs. Dans sa lettre au président du conseil d’administration de Twitter, Brett Taylor, le milliardaire justifie sa volonté de refaire de Twitter une société privée comme le seul moyen de “déverrouiller son potentiel extraordinaire.”

S’il passe à l’action, Elon Musk doit aller plus loin que les quelques changements cosmétiques qui ont déjà été évoqués, comme le fait de réintégrer Donald Trump au nom de la liberté d’expression ou de rajouter un bouton pour éditer les tweets. De la même manière, changer le modèle économique d’une plateforme qui peine à dépasser les 300 millions d’utilisateurs uniques mensuels a tout du pis-aller. Twitter reste un nain face aux milliards d’utilisateurs de Facebook, Instagram ou TikTok. La plateforme capte à peine 1% du marché de la publicité en ligne aujourd’hui selon eMarketer et elle ne va pas se transformer en une cash machine, simplement en misant sur le payant plutôt que la publicité, comme l'envisage Elon Musk.

Il ne s’agit pas donc pas de trouver un nouveau business model mais de changer carrément de modèle. Parce qu’il sait innover - Tesla et Starlink en sont les meilleurs exemples - Elon Musk peut profiter de cette opération pour faire entrer Twitter dans le Web3.

La bonne nouvelle, c’est que la dynamique est initiée. Twitter a lancé une équipe dédiée à la blockchain pour décentraliser son réseau social à l’époque où Jack Dorsey, fervent défenseur des crypto-monnaies, était encore à sa tête. Ne manque plus qu’à cette équipe, baptisée “Crypto Twitter”, une impulsion qu’Elon Musk, fervent utilisateur du réseau social et lui aussi très bon connaisseur de l’univers crypto, est peut-être le mieux placé pour donner. On ne saurait que trop lui conseiller d’écouter les conseils de Changpeng Zhao, le patron de Binance, qui, à l’annonce de l’offre de rachat a twitté : “Privatise, lance un token et décentralise”. En bref, de quoi capitaliser sur la principale force de Twitter : l’engagement de sa communauté, composée pour l’essentiel de passionnés.