Pierre-Nicolas Hurstel (Arianee) : "Le NFT est le meilleur moyen de proposer une expérience propre à chaque utilisateur, sans recourir à des données personnelles"


  • A l’occasion de sa refonte, le magazine Madame Figaro a créé en octobre dernier une collection de 800 NFT, dont 20 “Golden”, afin de donner accès à ses lecteurs à différents avantages, mais surtout pour les éduquer au Web3.
  • Un projet mené en partenariat avec la plateforme Arianee. L’occasion d’interroger soncofondateur, Pierre Nicolas Hurstel, sur sa vision du Web3 pour les médias.
 

Minted. ​​Quel bilan tirez-vous de l’opération menée avec Madame Figaro ?

Pierre-Nicolas Hurstel. Il faut la replacer dans son contexte : il ne s’agissait pas d’un drop de NFT avec des “utilités” attachées. L’objectif premier, c’était de faire de l’éducation au Web3, à l’occasion d’un changement de maquette du magazine, en montrant comment on pouvait récupérer un objet numérique dans un wallet. Pour Madame Figaro, l’idée était donc avant tout de montrer les possibilités offertes par les NFT, avec des contenus et par la pratique. Ça a bien marché, les 800 NFT ont été collectés, plein de gens de nos entourages ont eu un NFT pour la première fois. Le titre compte aussi beaucoup de leaders d’opinion parmi ses lecteurs, c’était donc l’occasion aussi de leur apporter une information claire et concrète sur le sujet.

Au-delà de l’aspect éducatif, qui rappelle la démarche de 20Minutes, quelles sont les autres opportunités de l’écosystème Web3 pour les médias ?

L’utilité native d’un NFT, c’est d’être une preuve : il peut s’agir de la preuve d’un abonnement, de la lecture d’un article, de l’appartenance à un club… On voit d’ailleurs des protocoles intéressants, comme Unlock, qui permettent de définir des accès à des contenus, avec différents paramètres, comme une expiration dans le temps. Le token gating ouvre de nombreuses possibilités pour les médias. D’autant plus dans une situation de dépendance vis-à-vis des plateformes : dans un monde où les internautes cherchent à avoir davantage de contrôle de leurs données personnelles et à sortir de Google et Facebook, le Web3 peut permettre aux médias de reprendre la main sur la diffusion de leurs contenus. Il faudra par contre trouver le bon curseur, entre le fait de donner un large accès aux contenus, pour avoir un maximum de reach, et proposer des contenus et expériences plus rares et exclusifs.

Des médias comme CNN ont déjà abandonné leurs projets Web3, suscitant la colère des acheteurs… que vous inspire ce mauvais exemple ?

Si des projets NFT sont lancés pour de mauvaises raisons et sont maintenus avec de mauvais moyens, c’est normal qu’ils n'aillent nulle part et ce n’est pas illogique qu’ils s’arrêtent. On voit beaucoup de projets NFT qui parlent d’utilité… Mais est-ce parce qu’on a récupéré un NFT qu’on doit être couvert de cadeaux et d’avantages ? C’est là où l’approche de Madame Figaro est pertinente : la collection n’est pas pensée comme une nouvelle forme de membership ou de community management, mais comme un projet éducatif, rien de plus. 

Quelles seraient les bonnes raisons de lancer un projet NFT aujourd’hui ?

Un NFT doit avoir une raison d’être. S’il y a une bonne raison de distribuer une preuve et que l’utilisateur en a besoin en dehors de l’écosystème de la marque, alors le NFT a un sens. Mais si vous créez une carte de fidélité qui n’a d’utilité que chez celui qui l’a émis, cela ne sert absolument à rien d’avoir une interopérabilité via un NFT. Prenons un exemple : pourquoi la collection Bored Apes a si bien marché ? Parce que lorsqu’on en possède un, c’est la preuve qu’en mars 2021, au moment du drop, on était là et qu’on avait de l’Ether dans son wallet. Avoir un Bored Ape, c’est la preuve qu’on était là avant les autres et cette preuve peut servir dans différents contextes. À mon sens, un bon projet NFT répond à deux enjeux : il apporte la preuve de quelque chose et cette preuve peut servir en dehors de l’univers de la marque.

Chez Arianee, comment voyez-vous évoluer l’écosystème des NFT ?

Nous travaillons essentiellement sur les sujets de CRM et de fidélisation. Demain, si on veut interagir différemment avec les utilisateurs sans leur demander l’accès à des données personnelles, le meilleur moyen est de passer par un token. D’ailleurs, dans toutes les logiques de “drops” et d’éditions limitées, physiques ou en ligne, l’avenir est au token gated. Cela va permettre de régler des problèmes actuels liés au marché gris, en apportant la garantie que ce sont vraiment les fans de la marque qui ont accès à la vente privée.

Nous voyons aussi un autre sujet émerger : le passeport numérique pour les produits. C’est une régulation de l’Union Européenne qui va s’appliquer en 2024 à l’électronique grand public et à tous les produits textiles. Avec un identifiant scannable sur un smartphone, l’idée est de donner accès à une fiche d’identité du produit pour favoriser sa revente, sa réparation ou son recyclage. Nous pensons qu’intégrer un token à ce passeport représente un vrai intérêt pour les marques : elles pourront développer de nombreux services autour de leurs produits et transformer cette contrainte réglementaire en opportunité.