Spyne veut enlever une (sacrée) épine du pied des marketeurs


  • La société Spyne, co-fondée par Laurent Duverney-Guichard et Patrice Navarre, a bouclé un financement de 2 millions d’euros pour développer une solution SaaS à destination des équipes media, marketing et growth. 
  • Le duo espère que les marketeurs remplaceront les fichiers Excel, boucles d’emails et dropbox partagés qu’ils utilisent aujourd’hui pour échanger avec leurs partenaires, par un outil collaboratif comme le leur.

“Ça fait 15 ans que le marketing digital innove en matière de ciblage ou de formats… mais qu’il oublie de faire sa mue sur tout ce qui touche aux process.” Les commerciaux ont leur Salesforce, les comptables leur Pennylane et les marketeurs… rien. Du moins pour l’instant. Et Laurent Duverney - Guichard, l’auteur de cette citation d’introduction, espère que certains d’entre eux pourront bientôt dire qu’ils ont remplacé les fichiers Excel, boucles d’emails et dropbox partagés qu’ils utilisent aujourd’hui, par un outil collaboratif comme celui de Spyne, son nouveau projet.

“Les marketeurs perdent un temps fou à échanger avec leurs partenaires et suivre la performance de leurs campagnes”, résume Laurent Duverney - Guichard. Surtout, ils le font de manière très disparate, en multipliant les canaux de communication. Ce qui ne facilite évidemment pas l’accès à l’historique des échanges, quand il s’agit de mettre la main sur une information bien spécifique. 

“L’insertion de commentaires dynamiques au sein de la plateforme peut être un game changer"

Spyne, c’est un mix entre Slack, pour la dimension collaborative, et un outil de business intelligence - data viz, comme l’est Datorama outre-Atlantique. C’est une plateforme qui centralisera les données relatives à l’ensemble  des campagnes en-cours ou passées et qui permettra aux marketeurs d’entreprendre une action, au sein de cette même interface, qu’il s’agisse de “pinger” leur agence média au sujet d’une création publicitaire dont la performance chute subitement ou d’interroger une régie sur une campagne en particulier. Une promesse qui, sur le papier, a tout pour séduire, à en croire le CEO de 3qtz, Erwan Lohezic. “L’insertion de commentaires dynamiques peut être un game changer, observe l’expert. Cela permettra aux marketeurs d’historiser au sein-même de leur dashboard, comme ils le font déjà pour leurs données on-site, avec Google Analytics.”

Côté business model, rien que du classique, avec une facturation en mode SaaS dépendante de deux facteurs : le nombre d’utilisateurs et de connecteurs mis en place. “On peut être live en deux heures”, promet Laurent Duverney - Guichard. Spyne se connecte en API aux plateformes habituelles (Facebook, Instagram, Snap, Tik Tok, Google Ads..) mais aussi aux principaux DSP et adservers du marché pour réunir l’ensemble des leviers (social ads, SEA, programmatique open Web, gré à gré display). “Le retail media suivra puisque c’est un besoin qui nous a été remonté par les premiers clients”, précise Laurent Duverney - Guichard.

 “Notre cible, c’est plutôt un annonceur chez une scale-up friande d’outils en SaaS "

Ces clients, qui sont-ils ? Une dizaine de marques qui, comme Believe Digital ou We the new (une marketplace de sneakers), ont pu beta tester l’outil gratuitement au cours des mois, pour permettre aux équipes de Spyne d’éprouver leur offre. “Notre cible, c’est plutôt un annonceur chez une scale-up qui est friande d’outils en SaaS comme le nôtre, une agence média qui veut pouvoir proposer ce genre de produit à ses clients ou un annonceur un peu plus ‘old school’, mais qui cherche à gagner en agilité”, résume Laurent Duverney - Guichard. 

Des annonceurs qui, à en croire  Laurent Duverney - Guichard, sont encore loin d’avoir trouvé chaussure à leur pied en ce qui concerne la centralisation de la mesure de leurs performances digitales. Laurent Duverney - Guichard cite deux outils peu connus dans l’Hexagone, Adverity (120 millions de dollars de levés auprès notamment de Softbank), qui a été lancé en Autriche et s’adresse principalement à des grosses agences et Supermetrics, en Finlande, mais avec un modèle un peu plus restrictif, puisque l’outil se contente de recracher les données récoltées dans un Google Sheet, en laissant au client la responsabilité de maintenir les connecteurs et opérer la partie data studio. On ajoutera à la liste Funnel.io, Datama ou encore Adloop. Autant d’outils qui sont peu ou pas utilisés en France, à en croire Laurent Duverney - Guichard. “Nous avons interviewé une trentaine d’annonceurs, du Slip français à Uber, en passant par Leroy Merlin et très peu utilisaient ce genre d’outils, voire en avaient connaissance”, plaide le dirigeant. 

Un constat qui résume, un peu, l’ampleur de la tâche qui attend l’entrepreneur : réussir à évangéliser un écosystème plutôt fragmenté, avec des moyens et des degrés de maturité très divers. Et, finalement, deux options pour vendre sa solution : y aller en direct, quitte à perdre pas mal de plumes (et de temps) sur le volet démarchage - évangélisation, ou s’appuyer sur un réseau de resellers, comme le font la plupart des géants du secteur (Google, Salesforce et autres). “Ce sera sans doute un mix des deux”, prévient Laurent Duverney - Guichard.

Spyne n’est pas le premier, ni même le dernier, à s’attaquer au sujet de la centralisation des données médias. Mais il a, pour lui : 

- Une équipe expérimentée. Laurent Duverney - Guichard est accompagné dans cette aventure d’un CTO, Patrice Navarre, et d’une équipe de 7 personnes (5 à la tech, 2 au produit). Il peut également compter sur le soutien du start-up studio, Madia, qui a été fondé par Yannis Yahiaoui, Christophe Decker et Thibault Savary, et qui est également derrière xpln.ai, le spécialiste de la mesure de l’attention publicitaire dont nous vous parlons souvent ici. 

- De vrais moyens puisque Spyne boucle une levée de fonds de 2 millions d’euros auprès de fonds spécialisés en amorçage, comme Kima Ventures, et de business angels reconnus de l’écosystème.

L'enjeu : travailler l’aspect push de la plateforme, pour permettre au client d’être alerté, en temps réel, sur des points critiques de sa campagne

Côté produit, Minted identifie un gros enjeu : travailler l’aspect push de la plateforme, pour permettre au client d’être alerté, en temps réel, sur des points critiques de sa campagne : un CPC qui décroche, un pixel de tracking qui saute ou encore une campagne qui peine à atteindre son objectif.  “La partie insights est encore en beta”, précise Laurent Duverney - Guichard. 

On imagine déjà le fondateur de Spyne mettre un peu d’IA dans tout ça, à l’heure où l’on nous ressert du ChatGPT à toutes les sauces. “L’IA reste un moyen. Ma préoccupation, c’est l’usage client”, temporise Laurent Duverney-Guichard. Pas de doute, pour autant, sur les vertus d’une IA conversationnelle au moment d’expliquer, automatiquement et simplement, pourquoi tel CTR baisse. “Les annonceurs ont besoin de data intelligence, d’un outil qui regarde ce qui se passe ET qui tente d’expliquer les variations”, illustre Erwan Lohezic. “L’enjeu, c’est de donner vie aux insights et de la rendre plus digeste”, abonde Laurent Duverney-Guichard. 

Raison pour laquelle Spyne propose une interface adaptée aux typologies d’utilisateurs. “On ira dans le détail pour un média exec qui veut de la donnée granulaire et dans le détail pour un directeur marketing qui a, lui, juste besoin d’une overview.” Un vrai bon point pour Erwan Lohezic, qui ne compte plus les dashboards créés mais jamais regardés car beaucoup trop complexes à prendre en main. “Il faut casser ce réflexe qu’ont beaucoup de marketeurs de passer par un powerpoint ou un échange email pour faire le point sur une campagne. Spyne, comme les autres, devra arriver à les faire venir dans son outil et à s’approprier l’interface.”

Pas question, en revanche, de se hasarder sur le terrain (glissant) de l’activation. On pourrait penser Laurent Duverney - Guichard tenté par la perspective de faire de sa plateforme un outil qui écoute et un outil qui agit. Il n’en est rien. “Des outils de ce genre, comme Kenshoo ou Marin Software, n’ont pas vraiment eu une belle histoire. La réalité, c’est que des plateformes comme Google et Facebook ont conscience que si elles vous donnent trop d’informations, vous allez optimiser contre leur marge. Ce serait possible avec l’Open Web, et encore… Cela coûterait très cher en développements, pour un intérêt limité.” Dont acte.