“De plus en plus d’éditeurs d’application vont lancer leur web shop pour s’affranchir de Google et d’Apple”


  • Le champion français du retargeting s’associe à Xsolla pour proposer aux clients de ce dernier de faire la promotion de leur web shop.
  • Emilien Eychenne nous explique comment il s’y prend et pourquoi c’est un moyen pour les développeurs d’application de faire sauter les 30% de marge d’Apple ou Google. 
 

Minted. Vous vous êtes associé à la solution de paiement Xsolla pour proposer à ses clients de faire la promotion de leur web shop dans le cadre de campagnes de retargeting. Pourquoi ?

Emilien Eychenne. Xsolla est une solution de paiement qui propose aux éditeurs d’applications mobiles une solution de web shop clé en main. Ils sont de plus en plus nombreux à se laisser tenter, notamment dans le gaming, car disposer d’un web shop leur permet de s’affranchir des stores d’Apple et de Google. Deux avantages à cela : cela leur permet de récupérer la commission que l’AppStore et le Google Play Store prélèvent sur chaque transaction in-app (15% en dessous de 1 million de dollars, 30% au delà contre 5% chez Xsolla) et cela leur permet d’offrir une solution de paiement aux joueurs Web, qui sont de plus en plus nombreux et pour lesquels les stores d’application ne sont pas compatibles. C’est du moins la théorie. 

Car dans la réalité, les web shops ont une vraie problématique d’audience, notamment parce que Google et Apple interdisent aux éditeurs d’en faire la promotion. La raison est simple : le duo veut les contraindre à passer par leurs stores. Officiellement pour des raisons de sécurité, officieusement pour des raisons de marge. Afficher un interstitiel au sein de son application pour enjoindre l’utilisateur à passer par le web shop plutôt que l’App Store pour acheter un item lié au jeu, c’est prendre le risque d’être éjecté d’IOS. Pareil pour une push notification. 

Ils sont nombreux à passer outre ?

Les gros éditeurs le font parfois, parce qu’ils savent qu’ils peuvent s’en sortir avec un simple avertissement, Google ou Apple ne pouvant pas se permettre de virer un géant du gaming comme ça. Les petits éditeurs ne s’y risquent pas. De sorte que pour un Clash of Clans, qui génère désormais plus de revenus via son web shop que via l’App Store, il y a des centaines d’éditeurs dont le web shop ne décollent pas faute de visibilité.

C’est là qu’Adikteev intervient…

Oui, parce que se contenter de l’emailing pour faire connaître son emailing, c’est sympa mais ça a ses limites. Tout comme le fait de faire une campagne display à l’aveugle via laquelle on n’est même pas sûr de toucher des joueurs et encore moins des joueurs qui paient.

Comment procédez-vous ?

Comme pour une campagne de retargeting classique. On segmente l’audience, on identifie les utilisateurs qui ont déjà payé et on les touche au sein d’autres applications. On leur propose une offre attractive, par exemple 30% de réduction sur tel item, s’ils effectuent leur achat depuis le web shop. C’est important de proposer une incentive car il faut bien avoir conscience que l’expérience d’achat via un web shop n’a rien à voir avec celle qui se déroule depuis l’App Store. Les frictions sont beaucoup plus nombreuses : l’utilisateur est redirigé vers un site externe, il doit se loguer et renseigner son code de carte bleue. En bref, une expérience e-commerce classique pour le Web. Mais quelque chose qui n’a rien à voir avec une expérience in-app où l’on peut payer en deux “tap” parce qu’Apple et Google ont déjà toutes les informations nécessaires. Sans incentive, il est inconcevable qu’un utilisateur lambda se laisse tenter aujourd’hui.

Où en êtes-vous ?

Nous sommes en discussion avec une quinzaine d’éditeurs et nous avons lancé nos deux premières campagnes. Nous sommes plutôt satisfaits des premiers résultats. L’une de ces campagnes représente déjà plus de 30% du trafic quotidien web shop de l’un des deux acteurs, alors même qu’elle n’est affichée qu’auprès d’un petit pourcentage de ses utilisateurs. Evidemment, il faut relativiser ce ratio par le fait que ce client part de très loin et que le trafic de son web shop est très faible. Mais c’est encourageant. 

Vous ne ciblez que les utilisateurs qui paient ou vous allez plus loin en ciblant des utilisateurs susceptibles de franchir le pas, parce qu’ils ont un gros temps passé par exemple ?

Pour l’instant, nous diffusons essentiellement auprès des utilisateurs qui ont déjà payé. Mais nous sommes en train de mener des premiers tests auprès de gros joueurs qui ne paient pas. Notamment parce que l’enjeu n’est pas uniquement d’inciter les joueurs à payer depuis le web shop. Il est aussi de les faire se loguer ailleurs qu’in-app. Avoir un utilisateur que l’on est capable de reconnaître en dehors de son application, ça a une vraie valeur. Ici encore, cela permet de s’affranchir d’Apple et Google. Rappelons qu’un utilisateur qui se logue au sein d’une application iOS peut le faire via l’Apple ID et, ce faisant, masquer son véritable email. En l’incitant à se loguer depuis le Web, on récupère une vue à 360, Web et app, et on peut le cookifier.

Sous réserve qu’il passe par Chrome car les cookies tiers sont désormais interdits sur Safari…

C’est vrai et ça limite la portée de la chose. Mais encore une fois, je pense que les éditeurs d’application sont dans une stratégie d’investissement. L’enjeu n’est pas tant de récupérer la marge de stores que de changer les habitudes de consommation. De façon à être moins dépendant du search d’Apple, d’être capable d’avoir une vision multi-plateforme de ses utilisateurs… En bref, de reprendre le contrôle.

Seront-ils nombreux à reprendre le contrôle ?

On ne va pas se leurrer, le web shop, c’était jusqu’à maintenant un sujet d’éditeur mature. Parce que c’est techniquement compliqué à mettre en place et parce qu’il n’y avait aucun moyen de le médiatiser, seuls ceux qui avaient une audience très captive pouvaient se lancer là dedans. Maintenant que Xsolla propose un web shop clé en main et que nous leur donnons les moyens de les rendre visible, je pense que beaucoup d’éditeurs vont se laisser tenter et, qu’encore une fois, ce ne sera pas seulement pour s’affranchir de Google et Apple.

Alors oui, récupérer 30% de marge sur une part importante de son business, c’est loin d’être anecdotique. Et on peut imaginer que c’est ce que les éditeurs feront une fois qu’ils auront fidélisé les joueurs à renfort d’incentives. Mais le web shop, ce n’est pas qu’une guerre contre Google et Apple et un sujet de marge. C’est aussi le reflet du fait que de plus en plus de jeux deviennent cross-platforms.mail